Pr. Jean-Emmanuel Pondi sur la guerre russo-ukrainienne

Jean-Emmanuel Pondi est vice-recteur chargé des enseignements, de la professionnalisation et du développement des TIC à l’Université de Yaoundé II.  Cela fait exactement 18 ans qu´il enseigne à la prestigieuse académie diplomatique de Vienne, Institution fondée en 1754 dont le but est de former les futurs diplomates non seulement autrichiens mais aussi du monde entier. C’est dans cette institution que nous l’avons rencontré et lui avons demandé, en tant que spécialiste des relations internationales, de nous donner sa compréhension et son analyse de la situation mondiale actuelle secouée par la guerre russo-ukrainienne, mais aussi de nous dire ce que nous en tant q Africaines et africaines en bénéficions.

Interview réalisée à Vienne par simon INOU et publiée en page 8-9 du quotidien camerounais LE MESSAGER numéro 6030 du 8 Juin 2022.

Professeur le 3 juin dernier, Macky Sall l’actuel président de l’Union Africaine a rencontré le président russe Vladimir Poutine. La photographie officielle nous montre deux chef d’État en tête à tête contrairement aux photos de M. Poutine rencontrant les chefs d’États européens assis sur une table de près de 2 mètres de long. Comment interprétez-vous cette symbolique?

Jean-Emmanuel Pondi: La diplomatie c’est aussi l’art d’interpréter les symboles, car ceux-ci ne sont pas anodins et aléatoires. Tout a un sens et la distance entre Poutine et Macky Sall nous révèle une certaine proximité. Quand on la compare entre la rencontre qui a lieu entre le même président de Russie et Macron de la France on se rends compte que ces symboles veulent exprimer quelque chose.

Laquelle ?

On peut supposer qu’en ce qui concerne l’Afrique le souci du président russe est de montrer la proximité avec l’Afrique. Ceci vient de très très loin. Pendant les années 1960 il y avait deux camps et  Il est clair que la Russie n’a pas été une force coloniale, elle n’a pas fait l´esclavage transatlantique pendant trois siècles. Même si elle est responsable de la colonisation ailleurs, elle n’est pas responsable de la colonisation en Afrique..

Ceci est donc un rapport différent…

Oui c’est un rapport un tout petit peu différent sur ce registre international. Je ne dis pas que la Russie est sans tâche en Afrique. Mais on peut dire que la Russie a un pas relativement serein avec notre continent.

Passé serein certes, mais nous sommes en relations internationales. Les intérêts de la Russie ne sont pas les intérêts de l`Afrique

Nous Africains devons commencer à comprendre qu’il n’ y a pas d’amitié encore moins d’amour en termes de relations internationales. Ces termes – amitié et amour – sont à bannir et à proscrire une fois pour toutes de notre vocabulaire lorsqu’il s’agit des relations internationales car chaque partenaire a le droit mais aussi le devoir de mettre en avant ses propres intérêts. C’est la capacité à remplir et à poursuivre ces intérêts qui détermine la qualité de la relation entre Etats. Les Africains devront déterminer avec clarté quels sont leurs intérêts, ensuite après une concertation continentale prioriser ceux qui passent avant les autres…

Mais ce n’est pas le cas lorsque nous observons les agissements de l´Union Africaine lors des divers sommets…

Malheureusement nous nous trouvons toujours en face des partenaires qui sont très bien organisés, qui ont déjà réfléchi à des plans A, B et voire C alors que nous n’en avons pas, parce que nous ne sommes pas concertés entre nous. Il n’est pas acceptable que nous Africains nous rendions dans un sommet continental sans s’être concertés avant, soit à Addis Abeba en Ethiopie ou même dans une autre capitale continentale et partir en groupe homogène avec des propositions concertées, consensuelles que nous présentons à l ́autre partie. C’est comme ceci que des négociations inter-africaines et intra-africaines doivent se dérouler. Or ce n’est pas le cas et nous intervenons de manière cacophonique et ce n’est pas acceptable.

Donc le moment pour nous est arrivé de changer la donne sur le plan international…

Bien évidemment le moment pour nous est arrivé de rectifier le tir car nous avons des intérêts qui sont des intérêts purement africains, qui concernent d’abord l´Afrique et le 1 milliard 300 millions d’Africaines et d´Africains qui constituent une masse très importante dans le monde aujourd’hui. Nous n’avons pas le droit de nous amuser avec un tel nombre de vies humaines.

Comment défendre nos propres intérêts avec une institution comme l´Union Africaine qui est politiquement et financièrement pas capable et dont une bonne partie du budget est financée par l’Union européenne ?

Éclaircissons bien les choses. Le budget ordinaire de l’ Union Africaine est à séparer du budget Paix et sécurité. Le budget ordinaire est à 100% financé par les États Africains. Le problème dans ce budget est que 75% est financé par quatre ou cinq Etats. Donc la majorité du budget est financée par une minorité d´Etats. Ceci plombe la capacité des autres États qui ne font pas partie des 4-5 Etats à vraiment avoir leur compte. Le vrai problème c’est que la partie la plus importante qui est budgétisée est la partie la plus stratégique: c’est-à-dire le budget concernant la paix et la sécurité. Là c’est vrai c’est l´Union Européenne qui porte la très grande majorité de ce budget. C’est difficile à comprendre. Cela aurait été le contraire. Nous aurions d’abord dû nous préoccuper du budget paix et sécurité et puis accessoirement de l’autre budget.

Ce sont des erreurs de la part des Africains

Oui de mon point de vue c’est une erreur stratégique, philosophique, économique. Erreurs qu’il faut absolument corriger.

Mais honnêtement avons-nous  les moyens financiers pour financer une politique sans que l´ Union Européenne ne s´y mêle ?

Bien évidemment. L´argent ne manque pas dans les budgets des pays Africains. La plupart des pays Africains producteurs de pétrole (au moment je vous parle le baril est à 120 dollars Américains) ne peuvent pas dire qu’ils n’ont pas d’argent. Cet argent devrait être utilisé pour redresser cette incongruité qui fait que personne ne peut nous respecter, dans la mesure où nous mettons nos vies entre les mains des personnes qui n’ont pas nécessairement intérêt à ce que nous soyons libres, autonomes et souverains dans le sens réellement technique du terme.

Depuis des années les troupes russes de WAGNER qualifiées de “mercenaires” par la France officielle réussissent pourtant à imposer le  respect en Afrique en neutralisant certaines forces  déstabilisatrices de nos états. Comment expliquer le fait que cette troupe réussit en si peu de temps là où les troupes françaises n’ont pas réussi pendant des années ?

Ni la France, ni l’Union européenne, ni les USA n’ont de leçons à assener à l´Afrique. Cette page doit être tournée et comprise comme telle par tous les partenaires. Soixante ans après les indépendances nous ne sommes plus prêts en tant qu’africains de la 3ème ou 4ème génération à accepter des leçons des personnes qui, sur le plan moral ne sont pas les plus habileté à nous donner des leçons d’éthique. Si le président Touadera de la RCA décide pour la sécurité de son pays de faire appel à d’autres partenaires, c’est son droit le plus absolu et il n’a pas à rendre compte à qui que ce soit quand on prend en compte la définition du terme souveraineté. En relations internationales cela veut dire qu’il n’y a pas d’autres autorités au-dessus de vous. Pour les Africains, le moment où on allait pleurnicher chez l’ancien colonisateur doit être définitivement tourné. Vous le savez comme moi, si tout avait bien marché dans la lutte contre l´islamisme, les pays africains n’auraient pas eu besoin d’aller chercher d’autres partenaires. On se serait contenté de l’efficacité de ceux qui sont là, tirer un bilan positif et dire que depuis dix ans nous n’avons plus ce problème

Ce n´est pas le cas

Curieusement comme vous le constatez c’est le cas car le problème semble aller de mal en pis. Le problème s’aggrave, donc il y a des questions à se poser. Pour moi ce ne sont pas seulement les armées étrangères qui sont en faute. Etant donné que nous sommes des pays souverains, nos forces armées doivent faire les gros du travail et pas les armées européennes ou américaines…

Pourquoi ne le font-elles pas?

L’une des raisons expliquant la fragilité de nos armées est la corruption. Ne l’oublions pas, ce sont les mêmes armées qui ont combattu avant. Par exemple, ce sont l’argent et l’état major de  l’armée nigériane qui ont rétabli l’ordre au Liberia et en Sierra Leone dans le cas de l´ECOMOG. C’est l’argent du pétrole nigérian à 99% qui a financé ces opérations. Nos forces armées sont en mesure de le faire mais il faudrait d’abord combattre la corruption qui les mine. En tout cas, il est désormais clair sur le continent que nous devons d’abord régler nos problèmes d’abord et les autres en second lieu. Exactement comme ils l’ont fait pendant 300 ans.

Au début de la guerre russo-ukrainienne nous avons constaté que les africaines et africains fuyant la guerre furent interdits d’entrée sur le territoire européen et que par la suite les diaspora africaines d’Europe se sont mobilisées et ont sauvé plusieurs vies jusqu’à l’heure ou je vous parle. Ceci sans le soutien de ni de l´Union Africaine ni des pays concernés. Comment expliquer ceci?

Les diasporas africaines sont un aspect très positif de l´Afrique. Car elles sont à la fois de là-bas et de l´Afrique. C’est elles qui comprennent mieux la jonction entre les besoins et ce qu’il y a à faire pour que l’Afrique s’en sorte. Malheureusement pour nous, nous ne les avons pas inclus comme un intermédiaire statutaire. Le combat contre les diaspora me semble de mauvais aloi. Cela n’a pas de sens de combattre contre sa propre diaspora. Ce sont nos enfants, nos frères et sœurs, nos parents. Il ne peut y avoir dans l’esprit africain de combat à l’intérieur de la famille. S´il y a  des différends, apprenons à les résoudre selon nos cultures africaines. Ce n’est pas possible d’ériger les diaspora africaines en ennemies de l´Afrique et espérer s’en sortir. Le fameux miracle chinois c’est le miracle de sa diaspora qui a investi massivement en Chine et qui a apporté un savoir faire en temps réel dont le pays en profité. Le miracle indien n’est pas différent. S’il faut un miracle africain, il n’aura lieu qu’avec la symbiose d´avec sa diaspora.

Mais l’attitude des occidentaux face aux  africaines et africains fuyant la guerre russo-ukrainienne n’était pas aussi fair-play…

Ce qui s’est passé montre bien que l’appel du sang est là. Mais il est décevant de se rendre compte que les pays dans lesquels les Africains étaient n’ont pas assuré la sécurité des Africains qui y étaient en violation de plusieurs traités internationaux telles celles de l´UNESCO qui stipule que chacun est libre d’aller acquérir le savoir où il veut. Nous avons vu un acharnement contre des jeunes dont le seul crime était de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment face à de mauvais interlocuteurs. Le plus grave c’est qu’il n y a pas eu de condamnation officielle ni de l´UNESCO, ni de l´Union Européenne, ni du président de l´Ukraine, de personne. Le traitement de notre diaspora dans cette guerre russo-ukrainienne nous a aidés à mieux comprendre le comportement des Européens à notre égard.

La guerre russo-ukrainienne a montré une autre facette créatrice de notre continent. Nous apprenons petit à petit à nous défaire du blé comme matière première pour les farines et à nous intéresser aux farines provenant des produits locaux comme la patate, manioc, plantain…

Les crises sont des moments de refondation, des moments de remise en question et surtout des moments de transformation. La crise autour du blé est une très bonne chose pour l´Afrique. C’est le moment plus que jamais pour les agriculteurs africains, pour les agro-industriels africains de mettre en implémentation l’option des farine de manioc de plantain, de patate, etc… en remplacement pur et simple des farine de blé. Le moment est arrivé pour nous d’être en adéquation avec notre entourage, notre contexte et avec nos besoins. Personne ne peut comprendre que nous consommons des produits qui sont produits à six ou dix mille kilomètres de nous, alors que sur notre continent il y a 80 millions d’hectares de terre arable non cultivée, qui sont en jachère au moment où nous parlons. Maintenant c’est le moment ou jamais de rectifier cette incongruité. Cela semblerait cynique mais nous devons plutôt rééduquer les palais de manière à ce que nous apprécions ce que nous avons et produisons. C’est le moment où jamais pour nous autres Africains de mettre en avant les farines faites à base des produits locaux et nous devons aussi penser à l’exportation de ces produits et faire comprendre aussi aux non-Africains que cela a  peut-être de meilleur goût. Cette crise est une une opportunité inouïe de changement de part de marché.

Comment le faire concrètement sans institutions solides?

La rengaine d’institutions solides est une rengaine qui nous sert d´excuse. L’association nationale des boulangers de chaque pays peut décider que dans deux semaines nous servons tel ou tel type de pain – Au Sénégal  par exemple la fédération nationale des boulangers a débuté et se découvre de nouveaux clients NDLR – Si nous passons le temps à nous plaindre du système, des acteurs, de ceci ou de cela, il est sûr que rien ne changera. 

Ne devons-nous pas nous plaindre?

Non, se plaindre sans rien proposer ne sert à rien. Depuis plus de 60 ans nous l’avons fait et où en sommes-nous? Nous devons agir et ne pas constamment chercher des excuses.

Professeur votre dernier livre bilingue Anglais et Français est intitulé “Comprendre l’impact des Lions indomptables du Cameroun dans la géopolitique du football mondial”. Pourriez-vous nous faire un résumé de ce livre pour nos lectrices et lecteurs?

Ce livre a vu le jour pendant la CAN qui a eu lieu au Cameroun. Une fois de plus, beaucoup de Camerounais fustigent les Lions Indomptables, mais beaucoup ne savent pas qui sont les Lions indomptables. Les lions indomptables sont un label qui a 50 ans. Peu d’équipes dans le monde ont maintenu une excellence à ce niveau pendant un demi siècle. Ils ont pulvérisé de nombreux records dans tous les domaines du football que ne connaissent pas les africains et encore moins les camerounais. Dans ce livre je rends hommage à l’esprit des lions indomptables mais à travers lui à l´esprit du continent Africain. Exemple: Lorsque les lions jouent contre l’Argentine, ce sont les Africains qui jouent contre l’Argentine. En fin de match nous gagnons et c’est l’Afrique fière qui gagne. Ce sont des symboles utiles pour galvaniser un peuple. Ceci prouve que nous sommes sur le même pied d’égalité que les autres. Nous avons les mêmes cerveaux et les mêmes habiletés que tout le monde. Le Cameroun n’a jamais été battu par l’Argentine, les Lions indomptables ont battu le Brésil plusieurs fois. Nous Africains ne devons craindre personne, nous devons avancer la tête haute.

Ce livre est un livre bilan sur le parcours des lions Indomptables avec 23 mini-chapitres.

Comment les lions indomptables peuvent-ils nous inspirer au Cameroun aujourd´hui ?

La marque de fabrique du Cameroun c’est sa diversité. Cette diversité est matière à fierté. Je pense que dans nos quartiers vous n’avez pas de problèmes. Les camerounais cohabitent sans problèmes entre eux. Le problème que nous avons c’est une élite politique qui instrumentalise les gens pour ses propres besoins. Chez nous vous serez toujours et partout le bienvenu parce que vous êtes d’une autre ethnie. Qu’on arrête de nous apporter des faux problèmes provenant des élites mal inspirées. Les liens de sang en république n’ont pas de sens. Dans toutes les tribus comme dans toute société, il y a du bon et il y a du mauvais. Il n´ y a pas de tribus vertueuses ou de tribus vicieuses. Ça n’existe pas. Dans n’importe quelle ville du Cameroun vous trouverez des quartiers de toutes les régions et il n y a jamais eu de problèmes.  La ville de Yaoundé sur laquelle j’ai écrit un livre intitulé „Redécouvrir Yaoundé” est l’une des rares villes en Afrique et dans le monde où il n y a jamais eu de troubles tribaux. Fait rarissime en Afrique. Pourquoi? Parce que les camerounais trouvent que ce sont des faux problèmes.

Votre avant dernier livre était consacré à Cheikh Anta Diop. Il est intitulé “cheikh Anta Diop dans la sphère des relations internationales”…

Cheikh Anta Diop est la quintessence même de ce courage intellectuel. Il a eu contre lui le monde entier, mais avec Théophile Obenga encore vivant aujourd’hui ils ont montré au monde que ce n’est pas parce que tout le monde dit quelque chose que c’est nécessairement vrai. Pour ce qui est de l’Égypte, ce fut la toute première fois que des savants africains imposent à une organisation internationale (UNESCO) au colloque du Caire en 1974 une vision africaine de notre propre histoire. En face des meilleurs professeurs mondiaux de la discipline Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga s’en sortent la tête haute.  Là, le monde entier a reconnu que l’Égypte était d’essence africaine. En ce qui concerne la peau des pharaons, de nos jours le problème ne se pose plus. 

Mais avons-nous en tant qu’africains compris?

Beaucoup n’ont pas encore compris l’importance de Cheikh Anta Diop et de Théophile Obenga pour notre continent. Ceci est vraiment dommage. Nous sommes toujours dans un ailleurs, nous sommes tellement obsédés que l’ailleurs est toujours mieux qu’en Afrique. Cela fait 500 ans que l’eldorado des autres est notre continent. Ils vivent et exploitent l´Afrique. S’il n’y avait rien en Afrique il ne seraient pas là. C’est ça la réalité, or nous pensons que l’eldorado est ailleurs. Il n y a pas d’eldorado en dehors de celui que vous construisez vous même. Les Africains peuvent aller ailleurs dans le but de renforcer leur mère patrie. Cheikh Anta Diop est la quintessence de ce fils d´Afrique savant parmi les savants. Je ne sais pas s’il y a beaucoup d’êtres humains – là je pèse mes mots – qui ont  une intelligence au brillante, variée et profonde comme celle de Cheikh Anta Diop. 

Un de vos livres portait sur le harcèlement sexuel en milieu universitaire. Un livre qui ne vous a pas valu que des amis

Vrai, cet ouvrage ne m’a pas valu que des amis. Mais comme vous le savez un universitaire est là pour livrer les fruits de sa recherche quelque soit la conclusion de cette recherche. J’estime que l’université ne doit pas être un terrain de chasse pour martyriser ou courtiser les jeunes filles. Si vous voulez courtiser les jeunes filles et que vous êtes suffisamment beau, allez ailleurs vous allez en trouver. Vous ne pouvez pas utiliser celles que les parents vous confient pour les détourner de la mission qui vous a été assignée. Je pense que c’est un crime que d’avoir des universités où vous avez des étudiants qui ont des parcours différents simplement parce qu´ils sont de sexes différents. Ce n’est pas normal et ce n’est pas acceptable.

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